« Si vous traitez un individu comme il est, il restera ce qu'il est.
Mais si vous le traitez comme s’il était ce qu'il doit et peut devenir, alors il deviendra ce qu'il doit et peut être. »

Behandle die Menschen so, als wären sie, was sie sein sollten, und du hilfst ihnen zu werden, was sie sein können.

J. W. von Goethe, Faust I

Art Therapie Virtus

mercredi 5 décembre 2012

BD – Seconde lettre à Yannick

Ma douleur était tellement forte, que tout mon corps m’a lâchée. Je ne sais pas ce que tu as fait entre temps, mais une fois revenue à moi, tu m’avais mise dans ton lit. Pétrifiée, désemparée, je voulais partir, tu avais encore insisté, insisté pour que je reste. Je ne sais pas ce que tu comptais faire encore, mais là tu m’as laissée repartir. J'étais dans un état pitoyable. Je n'avais pas compris ton comportement, sur le coup, je voulais aller à la police, porter plainte, mais voilà, je ne l'ai pas fait, peur de toutes ces questions, peur d'être jugée aussi, peur de me retrouver devant des inconnus, peur d'aller à l'hôpital, peur de ce qu'ils allaient me faire. Tous ces prélèvements, les photos etc… non je n’y suis pas allée, mais je pense aussi que au fond de moi, je m'en voulais, j'étais très fâchée contre moi, de t'avoir fait peut-être espérer des choses, de t'avoir fait des avances et que cela t’a fait du mal, t'avoir fait espérer quelque chose de beau : un grand amour, je ne sais pas trop, mais pour moi c'était de ma faute. J'avais une sensation de grande souffrance énorme en moi elle était tellement forte, la peine de t'avoir fait du mal, oui c'est ça, car en moi je ne suis pas comme cela, faire du mal aux autres et pour moi aussi tu ne pouvais pas toi non plus faire du mal aux autres, je ne pouvais pas l'admettre, non que tu aies fait une bêtise comme cela, un tel geste, sur mon corps, toi qui a toujours été d'une grande gentillesse envers moi, prévenant, avec une douceur que personne ne peut imaginer. Voilà pourquoi je n'ai pas porté plainte , c’est un ensemble de tout cela. On s'est perdu de vue, pendant un long moment et un jour, je t'ai revue comme par hasard dans la rue, non loin de chez moi, mais quand je t’ai regardé, je n'avais pas mal, d'ailleurs en n'a jamais abordé le sujet, j'étais peut être trop honteuse, ou alors ma douleur étais trop enfouie, cela je ne saurais jamais, jamais pourquoi je n'ai jamais eu cette espèce de rancœur, cette espèce de rage, de vouloir te dénoncer, cela non plus je ne le saurais jamais, mais notre relation avait complètement changée. Je ne ressentais plus rien envers toi, j'étais morte de l'intérieur oui c'est ça, j'étais morte et je n'avais peut-être plus de réaction face à cette situation que j'ai vécue avec toi, comme si mon cerveau s’était arrêté de marcher, mon cerveau ne voulait pas retenir cette soirée, mon cerveau s'est dit lui-même stop, comme s’il s'était mis une barrière, un mur et que cette soirée reste derrière lui, pour lui elle n'a jamais existé.
Comme je l'écrivais, plus rien n’était normal entre nous deux. Deux parfaits inconnus, il fallait nous réapprendre à nous connaître, mais des absences, une perte de vue, se sont mises automatiquement entre nous deux, comme si la vie l'avait décidé, comme si c'était une punition infligée à tous les deux. Donc on a jamais pu renouer, mais je n'ai rien fait non plus, je ne t'ai pas cherché, pourtant je savais où tu habitais, c'était comme si c'était mon cerveau qui prenait les initiatives sans même me consulter avant, lui le seul maître à pouvoir gérer cette situation entre nous deux et je ne faisais rien non plus pour l'arrêter. Je trouvais ce comportement normal, car je crois que je ne m'en rendais pas compte non plus, je crois que c'est cela, je ne me suis jamais rendu compte que ce que tu as fait sur mon corps méritait la prison, jusqu'au jour où tu m'as annoncé, comme la dernière fois que l'on s'était revus dans la rue, que tu étais malade, tu m'avais dit que c'était grave, mais tu ne m'avais jamais dit ce que tu avais, et moi je ne te l'ai jamais demandé non plus, je pense que mon cerveau prenait les commandes à chaque fois qu’une situation te concernait. Et plus j'y pense et plus je trouve ce comportement, le comportement de mon cerveau, bizarre comme ci il voulait me mettre en sécurité te concernant, et que moi j'en étais incapable alors lui le faisait pour moi s'en rien me demander et puis on s'était revus deux ou trois fois, toujours dehors, un bonjour et cela n'allait pas plus loin. Deux parfais inconnus, deux étrangers, et puis les mois ont passé, et un soir, le gardien de ton immeuble est venu cogné chez moi, pour me dire que tu avais laissé mon numéro à lui si un jour ton état était arrivé disons plus que sérieux. Envers ce gardien, j'étais complètement désorientée, il venait me dire que tu étais hospitalisé, à l'hôpital Bretonneau, dans le service maladie infectieuse, et là il m'a annoncé aussi que tu avais le sida et qu’il ne te restait plus grand temps à vivre. Dans ma tête, à ce moment-là, tout a basculé. J'avais ressentie ce mal être , le même que cette soirée ou tu m'avait meurtrie ! J'avais beaucoup de mal à trouver mes mots face à ce gardien. Je lui ai répondu : oui d'accord ! J'étais mal, mal que tu meurs ou mal que cette sensation de souffrance sois revenue, cette souffrance de ce fameux soir. Je me posais aussi la question pourquoi ne m'avoir rien dit ?
Je suis allée te voir le lendemain, je t'ai accompagné vers la fin, je t 'ai dit en revoir, mais tu étais dans un tel état. J'avais du mal à te reconnaître. Mais en moi, je ne ressentais rien, j'avais peur que tu meurs quand j'étais dans ta chambre, j'avais peur de cela. Tu es mort quelques heures après, mais dans ma tête, et même encore maintenant, je ne comprends pas pourquoi j'ai été te voir à l'hôpital. Je n'ai toujours pas trouvé la réponse et je ne sais pas si un jour je la trouverais, mais elle est toujours là et va savoir pourquoi, à réfléchir là-dessus je pense… donc à suivre.
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