« Si vous traitez un individu comme il est, il restera ce qu'il est.
Mais si vous le traitez comme s’il était ce qu'il doit et peut devenir, alors il deviendra ce qu'il doit et peut être. »

Behandle die Menschen so, als wären sie, was sie sein sollten, und du hilfst ihnen zu werden, was sie sein können.

J. W. von Goethe, Faust I

Art Therapie Virtus

mardi 26 juin 2012

Reflexions sur une possible communication "non verbale" dans les échanges par internet


Une des difficultés de travailler dans un cadre de relation d’aide sur le net, c’est qu’il manque la dimension non verbale, infra verbale. Mais est-ce si sûr ? Le texte qui suit essaye de montrer un peu d’autres pistes et aussi l’importance de cette communication virtuelle, qui permet quand même à un bon nombre de personnes de reprendre le poids relationnel et d’exister.

Je suis psychologue clinicienne de formation, et ayant travaillé en milieu hospitalier auprès d’enfants malades et de leurs parents, j’ai acquis une certaine « dextérité » dans les entretiens qui étaient essentiellement du soutien et de l’accompagnement. 

Quand un site m’a demandé de faire de l’aide par internet, je me suis vraiment demandée si c’était possible, mais j’ai tenté l’expérience. Globalement il s’agissait de personnes vivant quelque chose qui s’apparente à la dépression, qui se plaignaient d’un mal être, d’une difficulté à vivre. Il était pour moi évident que cet échange devait les ouvrir à une thérapie face à face, (comme quoi, dire que le thérapeute n’a pas de désir, est presque impensable).

Les règles d’échange étant codifiées, j’ai pu me rendre très vite compte que, d’une part « cela fonctionnait » mais surtout que, même s’il n’y pas tout le non verbal qui a une place aussi importante dans une relation face à face, il y a quand même beaucoup de non verbal qui se joue. 

Il y a déjà le pseudonyme choisi par la personne, car il est rarement neutre. Il dit quelque chose que l'on ne saisira peut être que plus tard, mais qui se dévoile. 

Ce qui frappe d’emblée ce sont certains mots mal orthographiés, que l’on peut tout à fait (pas toujours mais souvent) interpréter comme des lapsus et qui peuvent justement permettre d’aller là où la personne ne voulait pas aller (puisque dans l’écrit que l’on peut modifier jusqu’au moment où il est envoyé, on peut toujours espérer maîtriser les choses). Écrire pour vivre au lieu de mourir n'est pas innocent, même si les deux lettres m et p sont proches l'une de l'autre.
  
Il y a le respect des règles : il est demandé aux personnes d’envoyer une page dans un format donné et avec une police donnée. Certaines respectent, d’autres pas. Là encore quelque chose se dit. Parfois on a l’impression de recevoir un texte beaucoup trop « dense » sans aucun blanc et du coup il faut remettre des espaces, des blancs, des points. Là encore quelque chose se dit. Je veux dire que certains textes donnent une impression de gavage, comme si la personne voulait, en quelque sorte, vous étouffer avec tout ce qui est en elle. Il y a d’autres textes au contraire, où l’on cherche la demande et on ne la trouve pas. Et puis on apprend que quelqu’un a dit à la personne que ce serait bien s’il… et du coup il est dans le désir de l’autre, pas dans son désir à lui, et cela se ressent.

Même s’il n’est pas question de mettre des formules de politesses alambiquées il y a un minimum de correction et là encore, il y a de grandes différences d’une personne à l’autre. Ne mettre aucun merci (je sais bien que la personne paye pour avoir une réponse) pose quand même question. Qu’est ce qui est dû ? comment vous considère t-elle ? Là encore on est dans le non verbal et il est parfois nécessaire d’analyser son contre transfert comme dans une thérapie face à face.

Je crois aussi que le style de chaque personne est un peu sa signature et que là aussi il passe du non verbal. Là je dois dire que la formation reçue lors de mes études (en particulier pour les tests projectifs) aide considérablement.

L’une des difficultés de la communication par internet est parfois liée à l’absence du regard qui pourrait « faire passer la pilule ». Et surtout le fait que l’humour est la chose du monde la plus mal partagée et que cela peut créer de véritables incompréhensions.

Je ne connaissais rien à l’inceste ni à ses dégâts. C’est la rencontre avec des personnes ayant vécu ces agressions qui m’a permis peu à peu de comprendre les ravages de ces actes sur toute leur identité. J’ai rencontré, j’ai appris, et j’apprends encore et cela c’est pour moi une des merveilles des blogs et des forums.

Actuellement, l’utilisation d’internet pour entrer en relation avec des personnes qui n’auraient peut être jamais pu parler d’elles en face à face est pour moi une merveille. Peut-être que cette communication où finalement ne pas voir les personnes a aussi des avantages, car on peut choisir le moment où on a envie de lire, envie de répondre (ne pas être coincé par des horaires, ne pas être obligé de stopper un entretien, est quand même fort agréable). Et puis parfois je me dis que ne pas voir la personne cela peut avoir du bon.

Coaching virtuel pour les fumeurs

iCoach est une plate-forme de coaching en ligne qui aide les personnes souhaitant arrêter de fumer. Le coaching virtuel, ou l’induction d’un changement de comportement dans un environnement en ligne, repose sur des travaux de recherche innovants, une expérience clinique pratique et l’expertise de psychologues et d’experts de la communication.
Accessible gratuitement dans les 23 langues officielles de l’UE, la plate-forme iCoach a déjà prouvé son efficacité. Plus de 30 % des personnes ayant utilisé iCoach finissent par arrêter de fumer.
Mais iCoach ne s’adresse pas seulement à ceux qui souhaitent arrêter : son but est également d’informer ceux qui ne se sentent pas encore prêts à écraser leur dernière cigarette. C’est ce qui fait d'iCoach un programme unique. L’utilisateur est invité à remplir un court questionnaire visant à déterminer à quelle étape il se situe dans le processus d'arrêt de la cigarette. Le questionnaire évalue son comportement, son attitude et sa motivation.
Le programme iCoach se compose de cinq phases :
Phase 1: Je ne prévois pas d’arrêter de fumer
Phase 2: Je sais que je devrais arrêter, mais je n’en ai pas très envie
Phase 3: Je compte arrêter de fumer bientôt
Phase 4: Je viens juste d’arrêter
Phase 5: J’ai arrêté depuis quelques temps
Le programme iCoach guide l’utilisateur à l’aide de plusieurs outils interactifs. Il lui propose également des informations personnalisées, des conseils, des techniques, des tâches à exécuter, ainsi que des mini-tests. Chaque jour, le programme iCoach envoie à l’utilisateur un courrier électronique visant à le motiver et à lui rappeler ses engagements. L’utilisateur peut également enregistrer ses progrès dans un journal de bord. À la fin de chaque mois, iCoach élabore un rapport de consultation, qui donne à l’utilisateur une vue d’ensemble de ses progrès jusqu’à ce qu’il atteigne la phase finale.
Pour atteindre la site, cliquez sur le logo de  Ex fumeurs.

lundi 25 juin 2012

Formation : L’écriture à Artec

Créer et gérer un atelier d’écriture

Cette formation apporte aux bénéficiaires un ensemble de compétences leur permettant d’animer des ateliers d’écriture avec une variété d’activités ludiques et interpellantes. Elle leur fait découvrir les multiples facettes de ce médiateur artistique qui, enrichi d’autres médiateurs, permettra d’animer des ateliers de langages artistiques variés et complémentaires.
Le bénéficiaire pourra ainsi adapter ou intégrer ses nouvelles connaissances et compétences à son poste de travail ou dans son futur métier. L’écriture intégrée à d’autres approches artistiques peut s’avérer d’une aide remarquable pour accompagner les participants aux ateliers à se (re-)connecter à leurs capacités créatives et imaginatives pour s’en émerveiller.
L’écriture est un puissant et incontournable médiateur d’art-thérapie. Elle va aider les patients pris en charge à (re)trouver le point de repère existentiel, (re)découvrir et déployer son imagination, (re)conquérir le goût de vivre, (re)prendre confiance en soi. Écrire dans le présent, c’est exploiter son passé pour assurer son avenir. Ces deux modules de formation s’adressent aux personnes aimant écrire (sans forcément le pratiquer) ou à ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture, aux soignants, aidants, animateurs, éducateurs, souhaitant utiliser le médiateur écriture dans un objectif professionnel et à ceux qui souhaitent mettre en oeuvre un atelier d’écriture.
Yanka STAHAN
Objectifs spécifiques
Apprendre à créer et organiser un atelier d’écriture.
• Découvrir les multiples facettes de l’écriture pour pouvoir par la suite inviter ses propres participants aux ateliers à se surprendre en découvrant leur propre capacité à écrire.
• Faciliter la communication écrite et celle des futurs participants aux ateliers en abordant différents modes d’écriture en lien avec d’autres médiateurs artistiques.
• Affiner sa capacité à réfléchir individuellement pour adapter les activités proposées en stage à un public donné dans son cadre professionnel.
• Découvrir de multiples facettes de l’atelier d’écriture créative par l’ajout d’autres médiateurs artistiques.
Pour rejoindre le site de Artec, cliquez sur le logo

22-23 novembre 2012 – Le rêve au cœur de la relation d'aide

Puisque « l'avenir n'est plus ce qu'il était », ne pourrait-on pas en inventer un autre ?

La capacité à rêver constitue une ressource parfois sous-estimée dans nos pratiques professionnelles où la tendance naturelle consiste à braquer le projecteur sur les problèmes, les souffrances, les difficultés.
Pourtant, beaucoup d’enfants meurtris, qui ont été abandonnés, maltraités, victimes d’injustice et de carences multiples, grandissent grâce à leur capacité à rêver d’un futur meilleur. Ils se promettent de devenir des adultes différents de ceux qu’ils ont connus. Cela soutient leur narcissisme, les aide à supporter le présent et à se projeter positivement dans l’avenir.
Chez les adolescents, la force d’évocation d’un idéal, souvent en rupture avec une réalité qu’ils dénoncent, leur permet de développer leur potentiel créateur et de se mettre en mouvement.
De même, lorsqu’un adulte galère, raviver cette part d’idéal autrefois bien vivante peut contribuer à retrouver un souffle nouveau.
On rencontre aussi des professionnels de la relation d’aide, du soin, de l’intervention sociale ou de l’éducation qui se heurtent quotidiennement à l’exclusion, à la stigmatisation, à la misère, à la souffrance, à la reproduction des inégalités. Loin de laisser tomber les bras, ils rêvent à de nouvelles façons de faire et tentent de passer à l’action, pour un jour, un an ou plusieurs décennies. L’ « imagination sociale », dimension constitutive de la vie en commun, débouche sur de nouvelles façons d’envisager la vie ensemble, la solidarité, la relation d’aide, mais aussi la folie, l’étranger, la différence, les frontières… 
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dimanche 24 juin 2012

Je travaille sur mes mémoires de Master 2
Un mémoire de master professionnel :
La relation d’aide par les blogs, réseaux sociaux et sites de l’Internet pour les victimes de viols par inceste.
 
Et un mémoire de master recherche : 
« Viols par inceste » En Art-Thérapie, ce qui fonctionne par le mot et ce qui procède d’une matière que l’on travaille.
J'ai changé mon malheureux premier choix d'adresse pour ce blogue :
http://etude-relation-aide-inceste.blogspot.fr/
Maintenant :
http://etude-relation-aide-victime-inceste.blogspot.fr/

jeudi 14 juin 2012

Patrick Dewaere, Une vie par Christophe Carriere – révélation d'agressions sexuelles

Patrick Dewaere, une vie
Christophe Carriere
Parution le 14 juin 2012
Patrick Dewaere s'est suicidé le 16 juillet 1982 à l'âge de 35 ans.

Avant propos
Le secret est de polichinelle. Au détour d'un entretien donné à Première en 
2002. Elsa Dewaere, dernière épouse de l'acteur et mère de Lola, déclarait 
tout de go : « Il a subi dans son enfance et son adolescence les 
attouchements très graves d'un proche. À 16 ans, Patrick s'est révolté. Il a 
donné un coup de poing à cet homme pour dire : « avec moi. ça ne se passe plus comme ça. »
Voilà C’était là. Sous nos yeux. Noir sur blanc. Et personne n'a fait 
attention. Moi le premier, qui travaillait, quand a paru cet entretien, à 
Première précisément ! Sur le départ parce qu'en désaccord avec la 
direction de la rédaction sur les nouvelles orientations éditoriales, je lisais 
en diagonale ce magazine que j’aimais tant. Et puis, la déclaration n'a pas 
fait beaucoup de bruit à l’époque parce qu'elle venait d’Elsa, complice de 
défonce de Dewaere et vouée aux gémonies par quasiment tout le 
landemau cinématographique. N’empêche. On ne dit pas ce genre de chose 
au hasard. Surtout en 2002, quand les affaires de pédophilie font de plus en 
plus souvent la une des journaux. Deux ans plus tard. c'est Gérard 
Depardieu qui évoquera « la vérité», dans son livre Vivre : 
« Je crois que, dans son enfance, il avait été victime d'actes de pédophilie. Il m’en avait parié mais je ne sais pas si j’ai le droit de raconter ça. Ce que je 
sais, c'est que sa fragilité venait de là. Cette enfance qui ne passait pas, 
c'était son abîme, son gouffre intérieur. » Cela se précise. Et se confirme, sans équivoque, quand Bertrand Blier, pipe au bec, m'affirme sans 
sourciller : « Patrick m’a raconté qu’ïl avait été abusé sexuellement. Et il m'a 
toujours dit le plus grand mal de sa famille, à l'exception de ses frères et de 
sa sœur. C’est de là qu'il faut partir. »
Évidemment, cela change tout. Le mal-être permanent s'explique mieux. Tout s’explique. D’ailleurs, l'info est tel un « twist », ce retournement final 
dans les scénarios qui remet tout le film en perspective. Sauf qu’ici, il n 'était 
pas question d'attendre la fin pour dire l’innommable. Le but n'est pas de 
verser dans le sordide ou d'entretenir un suspense glauque. Les détails des 
saloperies dont a été victime Patrick Dewaere, confiés par nombre de 
personnes une fois celles-ci assurées que j'étais affranchi de l'obscure 
indiscrétion, je les garderai pour moi. Pas question non plus de désigner 
quiconque comme coupable, tout responsable de ce bourbier étant 
aujourd'hui hors d'état de nuire. Cela ne servirait en rien le propos de cet 
ouvrage, à moins de vouloir satisfaire un voyeurisme malsain. Patrick 
Dewaere a été abusé sexuellement, point. Fort de cette affirmation, on peut 
« partir de là. » oui. Et reconsidérer les déclarations des uns et des autres, peut-être moins anodines qu'elles n'y paraissent. Ainsi, ce témoignage de 
Dominique Maurin, le petit frère préféré de Patrick Dewaere, dans le recueil 
d'entretiens de leur mère Mado Maurin. Patrick Dewaere mon fils, la vérité 
(Le Cherche Midi, 2006) : « Témoigner dans un procès où la victime et l'assassin sont déjà loin ? Que dire de plus que mes frères et sœur, coincés 
par une histoire qui n'aurait dû être qu'un secret de famille, comme tant d'autres ? C’est du spectacle et nous en sommes les acteurs. »
On ne réglera aucun compte. L'addition est trop salée. Mais on va 
étudier Dewaere par le menu, à la manière de Daniel Spoerri, plasticien qui 
fige les plats et les restes d'un repas sur une table afin d'en faire un tableau. On ne se lance pas dans une œuvre d’art, mais d’observation. Sans 
œillères. Sans emphase. Il y a encore vingt ans, quand on commémorait les 
dix ans de la mort de l'acteur, on y allait sur la pointe des pieds, avec ce 
qu'il fallait de circonvolutions pour ne froisser personne.
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jeudi 7 juin 2012

La troisième révolution engagée par la culture numérique est psychique par Serge Tisseron


Culture numérique : une triple révolution, culturelle, cognitive et psychique


Posté par Serge Tisseron le 7 juin 2012.
Les technologies numériques modifient enfin le fonctionnement psychique de plusieurs façons.
1. Tout d’abord, l’identité se démultiplie. Le Moi n’est plus la propriété privée d’un individu, mais une construction à chaque fois tributaire des interactions. Le psychisme humain est un dispositif d’interaction intériorisé qui se complète et se nuance sans cesse sous l’effet de nouvelles communications. A chaque moment, il en est de nos identités comme des vêtements dans notre garde-robe. Nous les essayons à la recherche de notre personnalité décidemment insaisissable. Les identités multiples et les identifications flottantes définissent une nouvelle normalité dont la plasticité est la valeur ajoutée, tandis que l’ancienne norme du « moi fort intégré » est disqualifiée en psychorigidité. Quant à la pathologie, elle ne commence que quand ses identités échappent au sujet et qu’il devient incapable de différencier le dedans du dehors, l’intériorité de l’extériorité.
2. Ensuite, avec les technologies numériques, le clivage s’impose comme mécanisme défensif prévalent sur le refoulement. Sur Internet, en effet, aucun contenu n’est réprimé et tous sont accessibles instantanément par l’ouverture d’une « fenêtre » : c’est le système « windows ». Or cette logique correspond exactement à ce qui se passe lorsque, dans le clivage, nous sommes capable de penser à une chose, et aussitôt après de l’oublier comme si elle n’avait jamais existée. Du coup, les contraires peuvent y coexister sans s’exclure. Cela renforce le processus du clivage aux dépends du refoulement, avec des effets considérables sur l’éducation.
3. Enfin, Internet reproduit la caractéristique de notre mémoire qui est d’être un espace d’invention permanente dans lequel rien n’est daté de telle façon que le passé peut toujours être confondu avec le présent. Alors que la culture du livre fait une grande place à la succession et à la narration (avec un avant, un pendant, un après et un conditionnel), celle des écrans se déroule dans un éternel présent.
Pour lire le billet, cliquez sur le logo du blog de Serge Tisseron

vendredi 1 juin 2012

Expression des avancées de la victimologie ? par Frédérique Fiechter-Boulvard et Virginie Scolan

Expertise pénale et réparation du dommage corporel :  confusion des genres ?
Frédérique Fiechter-Boulvard
Maître de conférences à l'Université Pierre Mendès France, (Grenoble II)
Virginie Scolan 

Expert près la Cour d'appel de Grenoble

page 368

8 – Perçue comme un autre regard sur le phénomène criminel, la victimologie apparaît comme source précieuse d'analyse, non seulement dans la perception que l'on peut avoir d'un acte à réprimer mais également dans la perception que l'on doit avoir des conséquences à réparer. Sur ce dernier point, les lois d'indemnisation sont directement d'inspiration victimologique, consistant à substituer l'Etat à des délinquants introuvables ou insolvables 47, Ces lois ont eu le mérite de savoir distinguer les enjeux civils et pénaux quand « l'intérêt naturel des victimes à la réparation côtoie l'intérêt de la société à la répression » 48.
L'ambition est à saluer puisqu'elle tend vers la certitude de la réparation dommage causé à certaines victimes du fait de certaines infractions, les unes les autres étant visées dans l'article 706-3 du Code de procédure pénale instituant une procédure autonome de réparation 49, Alors qu'elle a les caractères d'une juridiction civile 50, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CVI) qui intervient dans le processus pénal a accès à toutes les pièces de la procédure pénale qui se déroule sans que l'on puisse lui opposer le secret professionnel 51. C'est à ce titre qu'elle a accès aux expertises médicales établissant l'étendue du dommage causé à la victime. Et c'est parce que cette procédure spécifique existe dans la loi que l'on peut comprendre que la mission d'expertise puisse se limiter aux enjeux de la réparation. Pourtant, l'article 706-6 du Code de procédure pénale n'est pas si limitatif; le législateur prévoit un droit de regard de la commission qui s'étend aux procès-verbaux constatant l'infraction ou toutes les pièces de la procédure pénale. C'est dire que l'appréciation du dommage n'est pas toujours dissociable d'un examen de la cause de celui-ci. Ces dispositions du Code de procédure pénale nous confortent en ce sens. À noter cependant que l'analyse peut être sensiblement différente car les avancées de la victimologie n'ont pas toutes été saluées.

9 – À l'heure où l'on débat d'un droit de recours de la victime contre une décision pénale ayant prononcé la relaxe ou l'acquittement 52, on ne peut que constater la progression galopante de ce que nombre d'auteurs dénoncent régulièrement afin de sauvegarder à la fois la nature originaire de la procédure pénale et celle de la procédure civile : la place trop conséquente de la victime dans la procédure pénale. Dans l'esprit de l'opinion la scission ne s'opère plus entre enjeu civil et enjeu pénal. Le dommage à réparer semble chasser la faute à punir : l'importance du premier a pris le pas sur la seconde. Ou peut-être est-ce la sanction qui serait envisagée comme la plus efficace des réparations 53 
Si les victimes sont parfois frustrées d'apprendre qu'elles n'ont pas leur mot à dire sur les intérêts pénaux, c'est peut-être parce qu'il est des signes apparents qui leur font croire qu'elles pourraient en disposer. Pensons par exemple à la sanction-réparation qui consiste en une obligation de procéder à l'indemnisation du préjudice de la victime, obligation susceptible de se substituer à l'emprisonnement ou à l'amende 54. Dans cet exemple, c'est la sanction pénale qui s'efface derrière la sanction civile 55. Pensons également au concept non juridique de vulnérabilité pourtant introduit dans le droit pénal, opérant comme condition préalable ou circonstance aggravante d'une infraction selon les cas 56. Tout cela ne participe-t-il pas à une confusion des genres ? Certains n'hésitent pas à parler d'un déséquilibre entre l'intérêt général et les intérêts de la victime, déséquilibre qui s'opère au détriment du premier et à l'avantage du second 57.
Nous pensons que s'il est souhaitable de saluer la justice restaurative dont la finalité consiste à atteindre « l'harmonie sociale » qui s'inscrit dans la continuité des fonctions de la peine 58, intérêt général et intérêt particulier méritent d'être soigneusement dissociés 59, Et il en est certainement de même dans le cadre de l'expertise car, à cantonner l'expertise médicale à l'évaluation du dommage corporel en négligeant l'aspect pénal de la situation, la pratique risque d'entretenir cette confusion.

10 – Pourtant, les professionnels médecins experts ou juristes ne s'en satisfont pas, les premiers ayant le sentiment d'être dépossédés d'une partie de leur tâche qui revient naturellement à la médecine légale ; les seconds assistant à une illustration supplémentaire de l'importance grandissante de la place de la victime dans le procès pénal notamment par les abus de constitution de partie civile aux seules fins de profiter des avantages d'une procédure peu coûteuse et plus rapide 60. Ce n'est pas du mépris envers les intérêts de la victime que de le dire et l'on s'associe à ceux qui ont « de la compassion pour elle (qui en effet peut être « contre » la victime ?) » mais qui estiment « qu'il y a d'autres instances que le procès pénal et la juste peine pour la prendre en charge » 61. La Cour de cassation en est consciente lorsqu'elle rappelle que l'action civile portée devant les juridictions pénales est un droit exceptionnel 62. Daniel Soulez Larivière rappelle que « depuis 1906, la Cour de cassation française oblige le parquet à ouvrir une information pénale dès lors qu'une partie civile, s'estimant victime d'un préjudice, allègue que celui-ci est causé par la commission d'une infraction. Cette ouverture, petite à l'origine, est devenue béante cent ans après. Au point de menacer l'équilibre du système pénal tout entier » 63. Les auteurs ont beau le regretter, ce mouvement d'ouverture se poursuit ayant pour principal moteur l'esprit de victimisation qui ne se limite pas au champ pénal mais occupe désormais la scène sociale tout entière 64.
Et l'expert est placé là, entre l'auteur et la victime. Il en va pourtant d'une compréhension réciproque entre médecine légale et enjeux juridiques passant par la pratique judiciaire. Assisterait-on à une négligence dans l'appréciation portée sur le comportement infractionnel ? L'évolution des régimes de responsabilité civile aurait-il influencé le contenu de la mission d'expertise au point de ne plus se soucier de ce qui a provoqué le dommage ? Faut-il rappeler que dans le cadre de la procédure pénale, le fait infractionnel à l'origine du dommage est nécessairement fautif, soit qu'il ait été intentionnel, soit qu'il ait été non intentionnel mais témoin d'une négligence ? À noter que la plupart du temps, l'expert est requis dans des affaires où l'acte commis était intentionnel. 
Il paraît alors d'autant plus important de sauvegarder tous les aspects de l'examen expertal.
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47. C'est ainsi que le doyen Carbonnier salue les lois victimologiques qui traduisent le réalisme de la Ve République qui s'est intéressée aux victimes d'infractions ; l'auteur insiste sur la distinction qu'il importe de faire entre cette forme de victimologie et celle des origines dans les pays anglo-saxons : « les regards qu'elle portait sur certaines victimes, pour être scientifiques, n'étaient pas plus affectueux que l'observation à laquelle les criminologues soumettaient les criminels. Selon une des hypothèses de cette science, il est des victimes qui semblent attirer sur elles le délit, pathologiquement, d'où sur elles un vague soupçon de complicité inconsciente », J. Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, Champs essais, 1996, Les victimologies, p. 146. 
48. X. Pin, « Les victimes d'infractions définitions et enjeux », Archives de politique criminelle, 2006/1 n° 28, p. 49, voir p. 52. 
49. L'article 706-3 du Code de procédure pénale consacre la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, actes commis intentionnellement ou non, dès lors qu'elle échappe aux lois indemnitaires déjà existantes telles que la loi de 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation. Voir M. Le Roy, Responsabilité L'évaluation du préjudice corporel, Litec, 2004, n° 285 et s. 
50. C. pro pén., art. 706-4 
51. C. pro pén., art. 706-6. Malgré ce texte, en pratique, les médecins experts demandent l'autorisation écrite de la victime leur donnant accès aux pièces médicales consultées. 
52. Proposition de loi n° 3057, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2010, visant à permettre aux parties civiles d'interjeter appel, en matière pénale, des décisions de relaxe et d'acquittement, présentée par les députés E. Blanc, l-F. Garraud et l-Ph. Maurern ; également, à propos de la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, voir notamment G. Maugain, « La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale », Dr. pénal. n° 10,. octobre 2011, étude 21. 
53. Certains praticiens experts constatent que la victime qui se présente à eux a souvent pour souci premier l'état d'avancement de la poursuite pénale à l'encontre de l'auteur de l'infraction ; leur indemnisation passe en second plan. Egalement, C. Michaud et M. Tinel, « L'emprise de la victime sur l'application de la peine privative de liberté », Revue pénit. n" 1, janvier-mars 2011, p. 9 ; R Zauberman, « Punir le délinquant ? La réponse des victimes », Informations sociales 200517, n° 127, p. 54. 
54. C. pén., art. 131-8-1 et 131-15-1. 
55. X. Pin, « Politique criminelle et frontières du droit pénal : enjeux et perspectives », Revue pénit. n° 1, janvier-mars 2011, p. 83, voir n° 29. 
56. X. Pin, article précité, n° 22. 
57. C. Michaud et M. Tinel, article précité, p. 22. 
58. Définition proposée par R. Cario, « Les rencontres restauratives en matière pénale : de la théorie à l'expérimentation des RDV », AJ Pénal, juin 2011, p. 294, voir p. 295. 
59. C'est à propos de l'expérience menée, consistant à faire se rencontrer victimes et condamnés que R. Cario précise la prudence nécessaire de la rencontre à défaut de laquelle « les risques de victimisation secondaire, voire d'aggravation de l'état psychologique des participants, sont réels », article précité, p. 295. 
60. Certains auteurs visent alors « l'instrumentalisation de la voie pénale » : en ce sens, E. Fortis, « Ambiguïtés de la place de la victime dans la procédure pénale », Archives de politique criminelle 2006/1, n° 28, p. 42. 
61. N. Languin, E. Widmer, J. Kellerhals, C. Robert, « Les représentations sociales de la justice pénale : une trilogie », Déviance et Société 2004/2, Vol. 28, p. 159 : voir p. 165 à propos du prospectivisme ; p. 168 à propos du contractualisme, deux conceptions selon lesquelles la victime n'a pas à être prise en compte dans la détermination de la peine. 
62. Crim. 9 novembre 1992, Bull. crim. n" 361; E. Fortis, « Ambigtütés de la place de la victime dans la procédure pénale », Archives de politique criminelle 2006/1, n° 28, p. 41. 
63. D. Soulez Larivière, « La victimisation et de nombreuses autres causes », Pouvoirs 2009/1, n° 128, p. 27, voir p. 29 ; égaiement, D. Rebut, « Justice pénale et justice civile évolution, instrumentalisation, effets pervers », Pouvoirs 2009/1, n" 128, p. 49.
64. En ce sens, D. Soulez Larivière, précité p. 31; ]. Arènes, « Tous victimes ? », Études 200517, Tome 403, p. 43. 
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Autres billets sur le livre : La cohérence des châtiments
Livre – La cohérence des châtiments